2025 marquera les dix ans de l’association Indah. A l’aube de cet anniversaire, je ressens profondément le besoin d’un retour aux sources. En effet, j’ai besoin de me reconnecter au “pourquoi” j’ai fondé ma propre structure et la mission que je me suis donnée au travers de mon engagement au sein d’Indah. Je vous explique…

Mon combat est né d’un constat frustrant : celui que la solidarité internationale n’a parfois qu’une vision unidirectionnelle de l’aide, une vision qui me parait incomplète.

En effet, les grands pouvoirs et médias de nos pays ont nourri et engendré une conscience collective qui réduit à néant l’histoire et l’immense variété des richesses culturelles des civilisations africaines. Le berceau de l’humanité reste donc pour beaucoup d’entre nous un grand mystère…

Nous, contemporains, baignons dans les récits hérités d’une époque où nos pouvoirs ont, par la force, déshumanisé l’autre – tout comme ils ont dénaturé l’environnement – afin de justifier l’idée d’en faire commerce et dont nous subissons tous les conséquences aujourd’hui.

Par conséquent, je remarque à quel point il est encore souvent compliqué de considérer que les peuples africains ont tant à nous transmettre.

Très jeune, j’ai ressenti un besoin viscéral d’aller me nourrir à une autre source, à l’Afrique particulièrement, pour tenter de comprendre pourquoi je me sentais incomplète. Et aujourd’hui, je ressens profondément le besoin de partager tout ce qui m’a nourrie et inspirée depuis tant d’années. Peut-être car je ressens le besoin de prendre part au changement nécessaire au vu de la crise profonde que connaissent nos sociétés.

Ma vision de la coopération 1

Le monde occidentalo-centralisé dont nous avons hérité s’est propagé sur la planète, s’est construit dans sa recherche de profit et s’est perdu dans ses richesses matérielles.

Ce monde dans lequel nous nous sommes laissés enrôler sournoisement nous laisse beaucoup d’amertume. Ces richesses divisent, séparent et créent des peurs.

Ce monde de dualité et de séparation engendre cette croyance sociétale que “nous” détenons la vérité, les solutions, les moyens et les ressources.

Cependant, beaucoup d’entre nous avons mis depuis longtemps de la conscience sur ce système et considérons que le temps est venu de croire et de nourrir un autre paradigme. 

Nous aspirons à d’autres valeurs, nous ne nous sentons plus en accord avec ce modèle. Nous sommes beaucoup à rêver et à créer des initiatives originales, innovantes et belles pour l’avenir.

Je constate depuis plusieurs années que nous sommes en perte de sens et nous ne sommes (presque) plus connectés à nos traditions qui font notre identité, nos fameuses richesses immatérielles, car elles ont été enfouies sous le capitalisme. Quand elles refont surface, c’est souvent sous un angle folklorique.

Alors, nous parcourons l’Asie afin d’aller chercher des réponses et du sens à travers la médecine chinoise, les textes anciens indiens…ou en Amérique du Sud pour s’inspirer des peuples d’Amazonie.

Mais ce vaste continent qu’est l’Afrique reste toujours un territoire laissé pour compte lorsqu’il s’agit d’admettre que nous avons énormément de choses à y apprendre en terme de spiritualité et de connexion au vivant.

Ma vision de la coopération 2

Eckhart Tolle a dit : 

“On aime selon son degré de conscience.” 

Je pense que nous ne pouvons aimer et donc respecter que ce que nous connaissons.

Or, dès mes premiers voyages sur le continent africain, je me suis rapidement rendue à l’évidence : les peuples que j’ai rencontrés détiennent une autre vérité, d’autres solutions, d’autres moyens et ressources… autrement puissantes, profondes et précieuses !

Ces peuples, bien qu’également gangrénés par le mal, ont tenté péniblement de maintenir leurs liens avec leurs richesses immatérielles et ce, malgré qu’ils ont longtemps été (et restent encore) opprimés et pillés par l’ancien modèle occidental.

Un modèle basé sur le partage, où on est encore en lien avec la nature, les autres, la communauté, les esprits et soi-même…

Car en effet, faute de pouvoir profiter pleinement et sereinement de leurs ressources matérielles et naturelles, beaucoup de peuples se sont tournés vers leur patrimoine immatériel.

Bien qu’en constante évolution, il ne s’effondre pas car c’est un monde vivant de connexion, de valeurs profondes et de mémoire.

Ma vision de la coopération 3

Pour moi, la coopération internationale, c’est donc bien plus qu’apporter de l’aide matérielle du Nord vers le Sud. C’est également admettre et reconnaître que nous avons besoin de nous laisser inspirer par le Sud et en particulier, les peuples d’Afrique.

En effet, je vois la coopération internationale comme un rééquilibrage, un outil pour se reconnecter et avancer de manière résiliente et réciproque avec ce que chaque partie de l’humanité a créé et nourri. 

Alors, je crois en la résilience de l’humanité grâce au partage et à la communion entre tous les peuples. Dans un monde globalisé, nous avons intérêt à nous inspirer les uns des autres et à admettre avec humilité que nous nous sommes éloignés de ce grand et noble domaine qu’est celui de la connexion avec l’Âme du Monde.

Je souhaite remplacer les mots « mépris, pitié et pillage » qui nous sont imposés par les mots « respect et source d’inspiration » afin de nous laisser guider par ce que toutes les cultures africaines ont à nous transmettre pour que nous puissions recréer nos propres connexions avec le cosmos et l’humanité.

Je souhaite créer des liens, des ponts avec l’« ici » et l’« ailleurs », avec les traditions anciennes et le moderne pour toujours rechercher l’équilibre en mouvement et rester vivant.

Ma vision de la coopération 4

Les premières années de l’association Indah ont été consacrées à son développement, la faire connaître, gagner la confiance de généreux donateurs. Les années impactées par les crises sanitaires ont poussé Indah, comme beaucoup d’entreprises, à être résiliente, à se battre pour poursuivre sa mission et maintenir son impact positif.

Avec un peu de recul, je me rends compte à présent, que par la force des choses, je me suis laissée éloigner de ce désir profond de répondre à ma vision de la coopération : une vision multi-directionnelle.

Comme dit Riczard Kapusinski :

“L’étranger, cet Autre, dans son incarnation tiers-mondiste (et donc l’individu le plus représenté de notre planète) continue d’être traité comme un objet de recherche. En revanche, il est encore loin d’être devenu notre partenaire, responsable à part entière du destin de la Terre, sur laquelle nous vivons.” 

Or étant donné que nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses à ressentir que notre “modèle” est faillible et qu’il est temps de changer de paradoxe, je pense que le changement doit avoir lieu par des actions positives pour avancer avec humilité, ensemble, en partenaires.

Dès lors, je souhaite mettre concrètement en lumière quelques richesses immatérielles de ce vaste territoire et rendre ses lettres de noblesse aux arts et rituels traditionnels. Traditionnel, non pas dans le sens folklorique que nous aurions le réflexe d’aborder, mais dans son sens noble et profond.

L’avenir se crée grâce à l’union des traditions passées et de la modernité. Notre monde est vivant, il nous faut honorer toutes ses parts et ses époques et reconnaître que nous avons besoin des autres.

Alors au delà de ma passion pour l’enfance, mon combat pour sa protection et l’accès à l’éducation, j’ai à coeur aujourd’hui de refaire, petit à petit, de la place également pour l’autre facette de mon engagement : la mise en lumière de quelques richesses du patrimoine africain dont nous avons tant besoin.

Je suis donc en réflexion depuis plusieurs mois à l’idée de réaliser un film documentaire, un livre, un podcast, des articles, des outils pédagogiques… ou tout autre support qui participerait à cette mission afin de prendre part à ce grand chantier qu’est celui de la résilience et la réconciliation de toutes les parts de l’humanité, à l’image d’une phrase qu’on trouve dans beaucoup de langues d’Afrique : “on est ensemble” !

N’hésitez pas si vous avez l’élan de m’écrire et partager ensemble la suite de cette réflexion… Je serai heureuse de vous lire 🙂

Stéphanie