Aujourd’hui, nous avons le cœur lourd…

Nous venons de traverser une parenthèse imprévisible. Douloureuse pour certains, suspendue pour d’autres… Et puis, un été particulier qui se termine où nous avons dû remettre en question nos destinations de détente ou d’aventure. Mais voilà que la cloche de la rentrée a sonné. Une musique un peu timide nous rappelle que la vie reprend son cours… Cette crise a laissé une trace dans notre esprit. L’anxiété et la méfiance ont pris de la place dans nos habitudes et relations quotidiennes. Pour certains, les mesures de prévention sont rassurantes. Pour d’autres, elles sont trop enfermantes. Nous avons tous été impactés différemment par cette expérience. L’objectif ici n’est pas de prendre position, encore moins de juger.

Poussés par la société à vivre en permanence dans la peur plutôt que dans l’Amour, nous prévoyons, planifions, assurons… juste « au cas où ». Nos projets et objectifs de vie sont donc teintés de peurs et nous devenons les prisonniers de notre propre avenir.

Et si, au lieu de penser dans le TEMPS, nous pensions dans L’ESPACE ? Et si, au lieu de penser à demain, nous pensions à aujourd’hui ? Aujourd’hui, ailleurs dans le monde, que se passe-t’il ? Comment cela se passe-t-il pour l’Autre ? Quels sont les impacts de cette crise ?

Aujourd’hui, à travers cet article, nous vous proposons de faire un petit pas de côté, de regarder d’un œil empathique et bienveillant le reste de l’humanité… et les 7 milliards d’autres à avoir subi cette crise.

Voici un exemple avec Yame, père de famille (guide touristique au Népal), avec qui Sophie a eu la chance de partager quelques jours fin 2019. Au-delà de la découverte de sa culture, de son cadre de vie, c’est surtout de la rencontre dont Sophie se souvient. Yame se livre à cœur ouvert sur son histoire, ses joies, ses rêves, ses doutes… dans un accueil toujours aussi chaleureux.

Cependant, depuis quelques jours, Yame est inquiet et s’exprime auprès de Sophie. Il parle de son pays et de l’impact de la crise sur le peuple népalais. Il parle aussi de sa famille et de sa crainte de se retrouver à la rue avec sa femme et ses enfants, ainsi que la peur de ne plus pouvoir les nourrir.

En effet, le pays de Yame vit principalement du tourisme. Au-delà des inquiétudes liées aux risques d’infection au Covid-19, le peuple népalais doit faire face à cette autre catastrophe provoquée par la crise. Un impact indirect, violent, mais d’autant plus insidieux : la faim.

Ces peuples sont touchés comme nous par le virus, mais les conditions sont bien différentes, aucune aide pour les travailleurs, aucune solution de secours pour l’éducation, aucune bouée de sauvetage pour la population. La situation devient très compliquée, insoutenable pour beaucoup d’entre NOUS. Oui, « nous », car il s’agit de nous… de notre humanité !

Nous sommes infiniment reconnaissantes des soins de santé disponibles dans notre pays, des hommes et des femmes qui se sont battus pour en faciliter l’accès et de ceux qui se passionnent pour soigner l’autre aujourd’hui. Mais ne serait-il pas temps de regarder la problématique dans sa globalité ?

Combien de peuples ont tout perdu avec l’arrêt du tourisme ? Dépendants d’une économie que notre société leur a imposée… leur vie est en sursis !

Souvent, ils vivent dans des sociétés relativement préservées par le consumérisme. Parfois encore innocents de cette soif d’accumulation, leur seule préoccupation est d’avoir accès à l’essentiel. Pour tenter d’y avoir accès, ces peuples ont développé une incroyable capacité de résilience et font preuve d’une grande solidarité. Ils nous enseignent la philosophie de l’Être dans l’instant et du partage, cette capacité d’offrir la puissance d’un sourire accueillant, malgré que l’essentiel n’est pas toujours garanti. En effet, les efforts sont souvent vains, car le poids de l’économie qui leur est imposée est trop lourd à porter.

Chez Indah, nous luttons pour permettre cet accès à l’essentiel, car la dignité est un droit pour tous.

Mais aujourd’hui, pour cette rentrée, nous nous sentons privées de cet essentiel : privées de l’Autre. Notre moteur, notre source de motivation, notre oxygène, c’est l’Autre, et en particulier la dignité des enfants et des femmes. Aujourd’hui, nous avons le cœur serré d’impatience.

La mission d’Indah est de lutter pour permettre à des femmes et des enfants de retrouver leur dignité. Mais comment peut-on parler de dignité aujourd’hui dans un monde qui se replie sur lui-même ? Quelle place accordons-nous encore à notre humanité sous prétexte de prévention ?

Aujourd’hui, nous avons le cœur lourd…

Et vous, comment vous sentez-vous ? Comment ressentez-vous cette rentrée ?

Sophie & Stéphanie | INDAH ASBL
(Photographies : Sophie Grégoire)

 

 

Dans le regard de l'autre - Piste audio

par Stéphanie Poumay